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Représentations et pratiques digitales des Marocains : Entre inclusion et exclusion

Auteur : Said BENNIS

Constat général

Les représentations et les attitudes des Marocains au sein du digital sont façonnées à partir de l’articulation entre les composantes d’une culture locale territorialisée et les configurations d’une société liquide virtuelle (Z. Bauman, 2006). La substance de ces représentations est désormais co-construite à partir d’éléments liés à la fois à la réalité sociale et à la « digitalité » virtuelle des Marocains.

Les articulations entre société et culture à l’ère numérique induit une triade conceptuelle composée des notions : virtuel, numérique et digital. Cette triade se distribue entre ce qui est général, ce qui est technique et ce qui est humain. La notion de « virtuel » étant celle qui réfère à la nature de l’espace en question et s’oppose dorénavant à « réel », la notion de « numérique » renvoie à la dimension technique et informatique (hard), tandis que celle désignée par « digital » se rapporte à une forme d’anthropomorphisme du numérique, à savoir sa dimension humaine et douce (soft). Partant, on peut opposer « digitalisation de la culture », « digitalisation de la société » à « numérisation du service public », « numérisation de l’administration », en se basant sur le constat que le numérique constitue le support technique, le digital étant l’humanisation du numérique. Dans cette perspective, on peut considérer que les faits sociaux sont traités numériquement et chargés sémantiquement à partir de symboles et de significations via le digital. Ainsi, les représentations et les attitudes des Marocains sur le digital peuvent être abordées à partir de la dichotomie inclusion vs exclusion.

Contexte national

Suite à la conjoncture de la Covid-19, les Marocains se sont rués de manière collective et individuelle sur l’espace virtuel et se sont transformés en citoyens virtuels, dorénavant « netoyens ».  La citoyenneté réelle a été augmentée d’une citoyenneté numérique sous forme de « netoyenneté », l’enseignement en « présentiel » contre l’enseignement en « distanciel », le travail au bureau contre le télétravail …

Cependant, le changement de base demeure celui qui a affecté la logique de la socialisation. Le passage de foyers classiques réels (la famille, l’école, l’université, le parti politique, l’association, le club, le syndicat, …) vers de nouveaux foyers virtuels (Liens, Forums, Plateformes, Sites, Groupes, …) a généré une culture digitale portée par une société composée d’individus  à identités numériques vivant dans des mondes parallèles et visant à impacter et agir sur le monde réel, moyennant des pratiques, des comportements, des attitudes et des représentations « liquides » (Z. Bauman, 2006).

Désormais, la société marocaine est en phase de passer d’une modernité dure et stable à une modernité liquide et fluide qui pousse l’individu à un changement perpétuel, incessant et excessif. Cela a occasionné des représentations et des attitudes ambivalentes et versatiles « au jour le jour ». De plus, cette situation a généré un public « cultivé » ou une masse « cultivée », au sein de laquelle on ne peut pas distinguer une « élite cultivée ».

La culture au sens que lui confère Bourdieu a perdu sa portée sociale et devenue en conséquence de nature liquide, contrebalancée dans un espace ouvert à toutes les alternatives, et s’est transformée même en objet de séduction, de marketing personnel et de buzz, loin des fins de la rationalité, de la provocation intellectuelle, de la promotion de l’esprit critique, de la consolidation des composantes du lien social et de la diffusion des principes du vivre ensemble. 

Comme conséquence directe, l’opinion ainsi que le débat public sont dorénavant contrôlés à partir d’un mécanisme dual axé sur deux temps, celui de la privation de l’information véridique et celui de l’addiction à l’information fallacieuse. Ce qui génère un état psychologique d’anxiété individuelle et d’instabilité collective qui correspond à une « utopie liquide ». Cette utopie liquide faite d’ambivalence, de dualisme et d’antagonisme constitue le socle des représentations et des attitudes des Marocains sur le répertoire digital.

En outre, l’articulation de la culture aux interactions digitales est tributaire d’un espace défragmenté et en perpétuel changement, ce qui a engendré une mutation au niveau des objectifs de la socialisation basée sur une matrice de valeurs commune vers des fins et des visées qui versent dans la diffusion et le partage de la banalité, de la médiocrité, des théories du complot, de l’extrémisme, et des micro-récits, de l’intimidation, de la diffamation, du « bullying »… On peut alors stipuler que dans ce contexte, comme présenté supra, les représentations des Marocains au sein du digital demeurent liées à un changement social qui n’a pas abouti, à savoir celui du passage à la société de connaissance. C’est pourquoi, le passage à la société de connexion selon les chiffres de l’ANRT (2023) a généré une métamorphose faisant passer de l’individualisme à l’isolement, autrement dit de personnes individualistes à des personnes isolées dans une nouvelle configuration citoyenne (H. Rachik, 2007), à savoir la netoyenneté. Cette nouvelle donne impacte directement la nature et l’essence des représentations des Marocains sur le digital.

Questionnements qualitatifs

On est en droit d’évoquer un digital marocain, un répertoire national en se basant sur une pléiade de phénomènes digitaux d’allure « effarante » qui alimentent l’opinion ainsi que le débat public et influencent les structures de la société. Il s’agit ici de phénomènes tels que les « ikchwan iknawan », les « routini lyawmi », « Les récits de couple », les campagnes de solidarité inconditionnelle, les séquences de vie quotidienne (photos, vidéos, …), les scènes de violence et d’agression, les « Réels marocains », les « shorts régionaux »…

En conséquence, les entrecoupements entre représentations sociales et faits interactifs sont fonction d’une rhétorique interactive et d’un technodiscours, d’un « digilecte » qui hypothèquent d’une certaine manière l’avenir des changements et des mutations de la société marocaine. A partir de cette logique, la plupart des constituants classiques du lien social (relations familiales, tribales, territoriales, professionnelles ou sociétales, communication publique, débat public, revendications citoyennes, …) sont devenus tributaires d’éléments renouvelés, instables et en mouvement, dominés par une « union digitale » avoisinant une pratique d’addiction et de présence démesurée sur l’espace virtuel. Cette addiction a induit une « veille digitale » qui a engendré une substitution de l’espace public marocain « réel » et de ses rôles par un espace virtuel occasionnant des marges de liberté d’expression mais aussi des pans de haine et de violence. En effet, ces marges peuvent contenir des teneurs et des contenus paradoxaux. D’une part, elles sont des arènes à la fois pour l’exercice de la violence symbolique et pour l’apprentissage de la culture de haine axés sur les antagonismes (xénophobie, panarabisme, racisme, « Zlayjiya » nationalisme, chauvinisme, identité crispée, …). D’autre part, elles se présentent comme une sphère de socialisation positive, de pratiques citoyennes, d’ancrage identitaire, de renforcement du « tamaghribit » (S. Bennis, 2022), d’appartenance au Royaume du Maroc, de consensus sur l’intégrité territoriale et de fierté de l’histoire, de la civilisation et de la spécificité marocaine.

Taxinomie des représentations digitales

Comme mentionné supra, la transition de la société réelle vers la société virtuelle a débouché sur une transition parallèle en termes de citoyenneté : de la citoyenneté réelle à la citoyenneté virtuelle ou « netoyenneté ». Il est alors impératif de comprendre les nouvelles valeurs et représentations digitales découlant de cette nouvelle forme de citoyenneté, ainsi que leur impact sur les pratiques et les perceptions réelles de l’individu. En effet, les valeurs du monde réel ont été transposées au monde virtuel et ont subi un effet de diffusion sans précédent, grâce à la nature numérique et algorithmique du partage. C’est pourquoi les valeurs et les représentations ne peuvent être décrites qu’à partir du sémantisme « digital » avec des traits [+ inclusif] vs [- inclusif].

Représentations à dominante inclusive

Les représentations à dominante inclusive sont essentiellement co-construites suite à un continuum via une nouvelle configuration aspectuelle : de la valeur dite, représentée et pratiquée, on est passé à la valeur multidimensionnelle dite, représentée, pratiquée, filmée, dessinée, animée, podcaster, « vlogger », « expériencée » (expérience sociale) … Les valeurs ne son plus seulement ces idées fédératrices et charnières permettant un bon fonctionnement de la société. Désormais, elles réfèrent aussi à des pratiques digitales et à des mobilisations virtuelles visant à cadrer et faire aboutir les bonnes actions sociétales.

Il serait notoire de soupçonner une défragmentation et régression des représentations dépendantes du rôle des foyers classiques de socialisation (la famille, l’école, l’université, le club, le parti, l’association, le syndicat…) et l’émergence d’une socialisation digitale de facto, spontanée et individualisée moyennant les différents supports des médias sociaux. Ce qui engendrerait un flux de représentations parallèles à celles du monde réel et de surcroit créerait un individu à identité double : réelle et virtuelle. Il paraît aussi judicieux d’évoquer à cet égard le changement qui peut affecter le mode du vivre ensemble et du lien social (S. Paugam, 2022).

En effet, les représentations aussi bien collectives qu’individuelles seraient en phase de mutations sporadiques puisque l’individu dépend d’une communauté constituée de listes d’amis.  La convivialité et la socialisation  seraient soumises à de nouvelles valeurs de nature connective ( Like, J’adore, Commentaire, Souhaiter …, partager , Hashtag, …) ; le lien social serait fonction d’un lien digital fait de  relations et de structures groupales dominantes (le groupe virtuel,  induisant solidarité, homogénéité, intégration, …), et la société aurait une configuration liquide où les informations et les interactions couleraient à flots sans interruption et de fait les représentations inclusives seraient ambivalentes et en mouvement.

Suite à cette nouvelle configuration, l’essence des valeurs digitales pourrait être qualifiée de positive ou de négative. Les valeurs positives se rapporteraient au devoir citoyen : le « je » qui adhère au « Nous », interface de l’opposition des valeurs collectives matérielles de la vie aux valeurs élitistes et immatérielles référant à un certain symbolisme social. Les bienfaits de la connexion digitale seraient un argument de base pour dépasser les stratégies de la communication institutionnelle, en mettant en exergue un nouvel acteur, à savoir le citoyen numérique et l’instauration d’un nouveau contrat entre l’État et le citoyen.

En contrepartie, ce nouveau contrat pourrait aboutir à une adhésion collective et une repolitisation de l’individu, en l’occurrence, les jeunes qui s’intéresseraient de plus en plus à la chose publique. Il semblerait également que le passage de l’individualisme à l’individuation (Selfie, le retour du soi intime, la glorification du corps…) renforcerait une obsession existentielle et narcissique, une exposition délibérée à l’autre (informations personnelles véridiques, les rencontres familiales virtuelles …) et une co-production d’un lien social de nature digitale.

Les représentations positives à l’égard d’actes digitaux comme interagir, partager, transférer, taguer, identifier, signaler …, renforceraient les sentiments d’appartenance à travers divers cybermouvements et expressions digitales symboliques de l’identité nationale marocaine (Tamaghribit, Événement de Guergarate, Séisme du Haut Atlas, L’enfant Rayan, Le symbolisme du drapeau marocain, La carte du royaume, La photo du Roi…). Ces nouvelles pratiques sont soutenues par des groupes comme les Moorish et des devises comme «  إلا الله  لاغالب » qui rappelle la victoire du Sultan Al Mouhad Yaacoub Al Mansour sur les armées Castillanes dans la bataille d’AlArak.

Toutefois, la régression des valeurs de la globalisation et le retour des particularismes et l’émergence de régions « démondialisées » (E. Morin, 2012), la redécouverte de l’autosuffisance (Expérience marocaine lors de la Covid-19) auraient participé à l’apparition d’un répertoire digital marocain préconisant une matrice de valeurs territorialisées, eu égard aussi à la désillusion totale provoquée par la partialité des medias occidentaux à l’égard du génocide en cours à Gaza.

L’empathie et la solidarité inconditionnelle avec les victimes et l’avènement d’une « singularité collective » au sein de laquelle l’individu représenterait la collectivité et la collectivité représenterait l’individu (« Koulouna Ikram », « mouqati3oun », « Koulouna Rayan », « Koulouna Lħawz »… Cette empathie se baserait sur le principe de l’agentivité qui s’oppose à la structure (agency vs structure), une compétence d’agir qui permet à l’individu de se donner un nouveau rôle, à savoir d’influencer et d’impacter sa société (structure). De cela témoignent les interactions digitales et les mouvements de protestation en ligne et hors-ligne contre le projet de loi 22.20, la campagne de boycott de 2017, les noms de rue à Temara portant les noms des Oulemas religieux du Golf, le mouvement de solidarité suite au séisme d’Al Haouz … Par ailleurs, le Marocain à tendance humaniste glorifiant l’humain et les idéaux utopiques contribuerait à l’émergence d’un espace « propre » « non contaminé » pour contrecarrer la floraison d’un espace décevant, pandémique et viral subséquent à des contenus fallacieux émanant des fake news. Cet espace se transformerait en espace abritant les valeurs de la négociation et de la délibération et par la suite occasionnant une forme de démocratie délibérative. Cette dernière dépasserait celle dite participative, en incitant à une citoyenneté positive consolidant les composantes du lien digital à travers la recrudescence de l’activisme digital (M. Burnier, 2018).

Représentations à dominante exclusive

Les représentations à dominante exclusive seraient des représentations à travers lesquelles l’espace virtuel se convertirait en un creuset où se développent les attitudes et les pratiques de violence, de haine et de xénophobie. Les représentations sur l’extrémisme, le suicide, la violence numérique, le discours de la haine, le racisme, les récits marginaux, le harcèlement numérique fonctionnent comme des attributs de l’exclusion. De tels attributs façonnent les relations et les interactions digitales et remodèlent les nouvelles valeurs digitales existentielles du vivre ensemble, notamment par les usages de réflexes numériques telles que bloquer / débloquer / ignorer / Ne plus suivre / retirer des ami(e)s / signaler, créant ainsi à la fois des valeurs d’isolement et d’addiction, signe avant-coureur d’une forme de « rétention digitale ».

Le goût général et le sens commun seraient dorénavant déterminés par des algorithmes numériques menant à la modélisation des interactions digitales et à l’éviction du sens critique, en promulguant des énoncés et des « expressions fast- food », dans tous les champs de la vie sociale : expressions de politesse, locutions de bienséance, séquences d’invectives, segments de haine verbale… Par analogie aux produits industrialisés dont les conséquences sont néfastes sur la santé des individus, ces « expressions fast- food » constitueraient une forme ancrée et sournoise d’assimilation, d’absence de nuances et de déformation culturelle.

La notoriété sociale dépendrait partant d’une logique digitale basée sur les statistiques numériques ; il s’ensuivrait une mutation sociale accentuant le passage d’une notoriété réelle vers une notoriété digitale et d’une « notoriété de mérite » à une « notoriété de rente » comme celle des influenceurs. La transition de l’individu citoyen à l’individu numérique dont les valeurs se résumeraient à des actes digitaux comme le selfie (E. Godart, 2016), la réaction par des photos, le partage, le transfert serait à la base de cette nouvelle forme de représentation de la notoriété sociale.

La spontanéité et l’inadvertance d’actes digitaux tels que transférer, partager, identifier convertis en actes maladifs, involontaires et inconscients, pourraient générer des risques d’instabilité, de panique sociale et de concrétisation de représentations négatives à dominante exclusive. Ces représentations, dans le cas marocain, pourraient atteindre des degrés incommensurables d’« ethnicisation » des diverses composantes culturelles et linguistiques de la société marocaine et par conséquent la réémergence de l’ethnocentrisme, de la xénophobie et de la violence digitale à l’encontre de ces représentants de l’Autre proche mais aussi à l’égard de certaines catégories de la société, en l’occurrence les femmes, les migrants…

Cette matrice de représentations pourrait parallèlement déboucher sur un « défaitisme identitaire », corollaire d’une tendance à la suprématie de l’autre, promu par des représentants de l’image de l’« intellectuel digital », à l’affût de toutes les questions qui touchent la chose publique marocaine avec une orientation au dénigrement et à l’autodérision. L’ancrage d’une matrice de valeurs négatives moyennant un espace virtuel toxique serait renforcé par différentes stratégies digitales telles que le buzz, les infotoxs, les récits marginaux et l’activisme de groupes nihilistes, en plus de l’hypertrophie de certaines valeurs assistées par les algorithmes numériques et les effets engendrés chez les jeunes élites.

Cet espace toxique pourrait conduire au danger d’une rétention de valeurs mais tout particulièrement à une déliquescence des éléments du lien social par le biais de « palliatifs à distance » et de supports numériques accompagnés d’une archéologie  du soi via des photos d’enfance et des souvenirs collectifs. De ce fait, le parallélisme entre lien social réel et lien digital virtuel pencherait vers la suprématie du lien digital. Cette éventualité pourrait être renvoyée à l’anachronisme des valeurs digitales : valeurs liquides en perpétuel mouvement, d’autant plus que ces valeurs seraient antagonistes et feraient référence à une domination hétéronome, subséquente d’un espace virtuel mondialisé mais incontrôlable. Le lien digital serait, en définitive, un lien fait non seulement de conflits, de clash, d’inimitié, de confrontation et d’animosité mais aussi de propensions à la solidarité, à une nouvelle forme d’humanisme, à une empathie universelle.  Ce qui aboutirait à des représentations et des valeurs fondées sur de nouvelles formes d’intelligences digitales collectives et de compétences connectives individuelle mitigées, conduisant à une reconfiguration des valeurs et des idéaux des Marocains.

À propos de l’auteur

Said BENNIS est Professeur en Sciences sociales, Université Mohamed V de Rabat.

Références citées

ANRT. 2023. Analyse de l’Évolution du secteur des Télécommunications au Maroc à fin Juin 2023. Consulté le 11 Décembre 2024. Disponible sur : https://www.anrt.ma/sites/default/files/2023-09/observatoires_anrt_-_le_memo_-_t2-2023.pdf

BAUMAN Zigmunt. 2006. La Vie Liquide. Arles : Éditions du Rouergue.

BENNIS Said. 2022. Tamghrabit. Essai de compréhension des certitudes locales (publication en arabe : تَمَغْرِبِيتْ محاولة لفهم اليقينيات المحلية،  مطبعة رؤى برينت. ).

BURNIER Michel. 2009. « Un nouvel activisme sur l’Internet ? », Terminal. Technologie de l’information, culture et société [En ligne]. N°103-104. Mis en ligne le 01 Juin 2018. Consulté le 11 Décembre 2024. Disponible sur : https://journals.openedition.org/terminal/2595

GODART Elsa. 2016. Je selfie donc je suis. Les métamorphoses du moi à l’ère du virtuel. Paris :Albin Michel.

MORIN Edgard. 2012. « La mondialisation une et plurielle ». L’Observatoire. Vol 2, n°41, p. 5-11. Consulté le 11 Décembre 2024. Disponible sur : https://shs.cairn.info/revue-l-observatoire-2012-2-page-5?lang=fr

PAUGAM Serge. 2022 [2008]. Le lien social. Paris : PUF, coll. « Que Sais-je ? ». RACHIK Hassan. 2007. « Du vernaculaire au global : Être “ni enfant ni homme” en milieu rural (Maroc) », p. 79-91, in Mounia BENNANI-CHRAÏBI et Iman FARAG (sous la dir. de), Jeunesses des sociétés arabes. Par-delà les menaces et les promesses. Le Caire : CEDEJ – Égypte/Soudan, Aux lieux d’être, Centre d’études et de documentation économiques et juridiques. Consulté le 11 Décembre 2024. Disponible sur : https://doi.org/10.4000/books.cedej.1661

Said Bennis

Said Bennis is Professor of Social Sciences at Mohammed V University in Rabat. His research examines Digital Anthropology ,Cultural Diversity, Social Movements, Social Media, Digital Activism, Hate Speech, Cultural and Linguistic Rights, Identity Policy, Minorities, Ethics and Values, Digital Sociology, Socio-Anthropology, Media Anthropology, Sociolinguistics, and Research Methodology. His career is driven by the desire to decompartmentalize research on the MENA region and construct bridges between separate fields of study.

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ٳسماعيل محمد. الفايسبوك: من هواجس التعبير إلى فن التأليف

Casablanca, le livre noir de la ville blanche, par la communauté “Save Casablanca”.  Compte-rendu d’ouvrage

Auteur : Mohammed ISMAIL

ينهل الخطاب الفايسبوكي من مصادر متعددة، فهو إذ يبدو تعبيرا عن وجهات نظر ذاتية محضة، إلا أنه ينبع من نظام الخطاب الحاكم للثقافة، وللأطر الاجتماعية واللاشعورية الحاكمة للقول، كما يتخذ صورة خطاب جماعي معبر عن إرادة قوى اجتماعية لها هموم ومتطلبات مشتركة. هذا ما وجدناه منطبقا على إحدى المجموعات الفايسبوكية التي خصصنا لها مساحة مهمة من البحث بين سنوات 2019-2023 ويتعلق الأمر بمجموعة “أنقذوا الدار البيضاء”.

برزت مدينة الدار البيضاء في صلب الخطاب الرقمي، وصار واقعها المُعاش مكشوفا ضمن تعبيرات النشطاء، وهو ما جعلها ميدانا للبحث، وموضوعا للكتابة. ارتبطت معظم المحتويات المنشورة والمتفاعَلِ بشأنها حول المعضلات الحضرية، والمشكلات اليومية التي يعيشها المواطنون والمطالب التي ينادون بتحقيقها. ومن أجل الانتقال من مجرد البوح والانفعال والكتابة على جدار الفايسبوك، إلى توثيق ما تتم كتابته، وتحويله إلى وثيقة للترافع، بادرت مؤسِسة المجموعة والمشرفة عليها “منى هاشم” يوم 9 يناير 2021 إلى تجميع وتأليف المضامين الرقمية المنشورة؛ والتي تضمنت مختلف الشهادات والمشاهد والأشرطة والمحتويات التي تكشف معاناة المواطنين، ومشكلاتهم، ومظالمهم، ومطالبهم، وشكاويهم. وقد شكلت كارثة السيول التي عاشها سكان المدينة مطلع شهر يناير 2021 حدثا مباشرا في إعلان هذه المبادرة وإذكاء حماس النشطاء قصد تدوين وثيقة تسمح بالترافع وممارسة الحق في الدفاع عن المدينة أمام المسؤولين، والرأي العام.

تم إنتاج التقرير شهر أبريل 2021 في نسخة إلكترونية، وجرى طبعه في نسخة ورقية شهر يناير 2023 . ويرصد التقرير، الذي جاء باللغة الفرنسية، كثيرا من الاختلالات الحضرية التي تقف دون إنجاز التنمية المأمولة بالدار البيضاء. ويتوزع إلى مدخل وتسعة فصول، تغطي مختلف المظالم والشهادات والمقترحات التي تقدم بها أعضاء الشبكة، إسهاما في الانخراط الايجابي في تتبع وضعية الدار البيضاء وساكنتها، وتقديم إمكانات مساعدة في حل المشكلات وتحسين الأوضاع غير المرغوب فيها.

يخوض الكتاب في أبرز الاختلالات التي تعانيها المدينة ومنها: بطء وتيرة إنجاز المشاريع؛ الوضعية المتردية للأرصفة والشوارع؛ مشاكل النقل العمومي؛ مشاكل الشركات المفوضة؛ تدبير النفايات؛ احتلال الفضاء العمومي والأنشطة العشوائية وغير القانونية؛ المضايقات والسلوكيات غير المتحضرة وغياب الأمن الاجتماعي؛ الحاجة للمساحات الخضراء؛ إهمال تراث وذاكرة المدينة.

يُمثل هذا العمل انتقادا لسياسة تدبير المدينة، واحتجاجا على ضعف الحكامة، وإدانةً للتجاوزات الناتجة عن الإدارة الرسمية في قطاعاتها وهياكلها المختلفة؛ وكل ذلك بحثا عن مراجعة السياسات، وتصحيح المسار، وتبني حكامة عقلانية تتناسب مع الدار البيضاء بوصفها مدينة المال والأعمال، وباعتبارها “مدينة ذكية”.

يميل نشطاء المجموعة إلى نشر محتويات بصرية ورقمية، معتمدين في نشرها وتقاسمها التعبير بأساليب لغوية مجازية تقوم على التورية والكناية، وتحضر بنَفَس جاد، وانفعال غاضب، ومُسحة ساخرة، وطابع فكاهي، وتوظيفٍ للرموز الانفعالية، فضلا عن التعبير بالمستوى الفصيح والعامي والأجنبي، وأحيانا بنسق كتابي هجين يراعي رغبة المدون ولا يهتم لبلاغة اللغة… وغيرها من الإمكانات التعبيرية الخصبة والمتنوعة ذات الخلفيات الثقافية والاجتماعية.

تؤسس الوثيقة لسياسة مواطنة تشاركية؛ تنطلق من رؤية المواطنين الذين يعيشون المدينة، ويتفاعلون يوميا مع فضاءاتها، ويعيشون اختلالاتها، ويعانون مشكلاتٍ في مجالات وقطاعات حيوية، وبهذا، فالمبادرة تروم إشراكهم انطلاقا من نقل أصواتهم، وتدوين مظالمهم من أجل الترافع بها أمام الجهات الوصية التي تملك سلطة اتخاذ القرار التنفيذي. وتراهن المواطنة التشاركية على تواصل أفقي، يثير انتباه الإدارة الرسمية للأخذ برؤى القوى المدنية الحية والنشيطة، والإفادة من خبراتها وتجاربها، خاصة حينما تكون مؤطَّرة بتوجيهات زعامات مثقفة، وكوادر متخصصة في وسعها أن تُسهم في تخطيط سياسة المدينة، واقتراح حلول لمشاكلها، وبنائها بشكل يستجيب لتطلعات ساكنيها، ويضمن سعادتهم وعيشهم المشترك.

تُنم الفاعلية الاتصالية للنشطاء عن إمكانية جعل الفضاء الرقمي مساحةً لإشراك المواطن في تخطيط فضاءات عيشه، وهو ما تجسد عمليا في هذا الجهد البحثي الذي أشرفت عليه مؤسِّسة المجموعة الفايسبوكية، وتمكنت من إثارة انتباه الفاعل السياسي والإعلامي إلى جدوى العودة إلى ما يبدو أصواتا هامشية وغير مرئية؛ باعتبارها قوى مؤثرة وحية تمتلك الحق والقدرة في بناء نموذج المدينة المأمولة والمرغوب فيها.

HACHIM Mouna (Pour Save Casablanca). Casablanca. Le livre noir de la ville blanche. Editions La Croisée des Chemins. 2022.

Compte-rendu rédigé par Mohammed ISMAIL, mise en ligne le 07/11/2024

Thèse soutenue par M. ISMAIL, le 22 juin 2023, sous le thème « Les réseaux socionumériques : pratiques virtuelles et lien social dans la ville de Casablanca », en ar. [: الشبكات السوسيورقمية : الممارسات الافتراضية والرابط الاجتماعي بمدينة الدار البيضاء], sous la dir. de S. Azizi

Ce travail de thèse est le fruit d’un investissement de longue durée, en termes d’investigation et de réflexion sur les réseaux socionumériques, dans leur rapport à la ville et leurs effets sur le lien social. La thèse d’Ismail a cette particularité de porter sur les réseaux sociaux constitués à la fois en ligne et hors ligne par de jeunes associatifs et militants marocains. Elle questionne le rôle de ces réseaux dans la production de liens sociaux alternatifs, dans la métropole de Casablanca.

Le choix de Casablanca comme terrain d’enquête privilégié est un point fort de la thèse qu’il faut souligner car il n’est ici ni anodin ni aléatoire. De toutes les villes marocaines, Casablanca se caractérise -comme contexte urbain fragmenté- par une grande fragilité du lien social, par l’accroissement constant des phénomènes de précarisation des individus et des groupes, de grandes disparités sociospatiales et des violences urbaines endémiques. Dans la thèse de M. Ismail, Casablanca est à la fois le champ d’action des acteurs socionumériques, et l’objet de leurs discours et actions qui relèvent de la militance en ligne et hors ligne. Les espaces physiques de la métropole représentent à la fois le terrain d’observation participante, les lieux de rencontre des acteurs numériques, mais aussi un sujet majeur de leurs discours et actions en ligne et hors ligne.

Ismail a su relever le défi de taille que constitue le choix d’ethnographier un terrain hybride. Son champ d’investigation ayant porté aussi bien sur les actions de ses observés sur le terrain de la ville, que sur leurs pratiques et interactions en ligne, à travers des plateformes telles que Facebook, Instagram et WhatsApp.

Sur le plan épistémologique et méthodologique, Ismail a su développer une approche originale des espaces de pratique, d’action et de discours de ses observés, en dépassant la dualité classique réel/virtuel. Il faut rappeler qu’au départ, Ismail avait une approche dystopique des rapports entre les mondes urbains physiques et les mondes virtuels et qu’il lui a fallu un certain temps pour arriver à corriger ce biais. Mais une fois cette vision duale dépassée, il est arrivé à appréhender dans un continuum les espaces de rencontre et d’action directe dans et sur la métropole avec les mondes numériques de rencontre virtuelle, de mobilisation et d’action à distance sur les espaces physiques urbains.

La méthodologie qui a permis de construire les données empiriques de ce travail repose sur un cocktail d’outils classiques et virtuels. Ismail a ainsi su combiner des outils d’observation et de collecte « classiques » (observation directe ; observation participante active ; conversation ordinaire ; entretien en face à face, technique du carnet) avec des techniques moins classiques (ethnographie virtuelle ouverte et masquée ; questionnaire en ligne sur Facebook ; entretien sur WhatsApp).

Du point de vue de sa structure, cette thèse est composée de deux parties, dont chacune s’articule autour de trois chapitres. La première partie est intitulée (الثورة الرقمية : التحولات الاتصالية والرهانات الاجتماعية) [“La révolution numérique : changements communicationnels et enjeux sociaux”]. Elle constitue à la fois un effort de contextualisation de l’étude, dans le cadre de la numérisation des sociétés à l’échelle internationale et nationale, un cadrage théorique et conceptuel de l’objet de l’étude et également un état des lieux du lien social, dans le contexte marocain et casablancais en particulier. Cette première partie peut paraître trop longue à qui veut arriver au plus vite aux résultats empiriques de l’étude, main on doit reconnaître à Ismail les grands efforts fournis en termes de maîtrise des outils conceptuels relatifs à l’objet de l’étude, et en termes de lecture pertinente des sources majeures sur le lien social et les réseaux socionumériques.

Quant à la deuxième partie, elle est intitulée (الشبكات السوسيورقمية بالدار البيضاء: أية روابط اجتماعية) [“Les réseaux socionumériques à Casablanca : quels liens sociaux ?”]. Elle présente les résultats de l’étude et constitue un essai de réponse aux principaux questionnements de départ. Ismail commence par présenter les résultats de la pré-enquête (Chapitre IV) qui lui a permis d’identifier les réseaux socionumériques les plus pertinents à observer pour questionner les effets sur le terrain de la ville des actions solidaires et militantes des jeunes internautes casablancais. Ainsi, le chapitre IV questionne notamment les sociabilités en ligne et hors ligne. Il comporte une étude de l’image de Casablanca chez ces communautés facebookiennes de cyberactivistes casablancais, dont le principal objet de regroupement et de discussion est la métropole et les nombreux défis qu’elle pose au quotidien, en termes de mobilité, de qualité de vie, de coexistence et de partage des espaces urbains, mais aussi les questions d’insécurité urbaine.

Au terme de cette pré-enquête, Ismail a donc dégagé les deux cas d’étude pertinents étudiés dans les chapitres V et VI. Deux communautés facebookiennes dont l’observation lui a permis de vérifier l’effet des actions digitales sur le lien social dans l’espace de la métropole.

Le chapitre V porte sur les pratiques de solidarité socionumérique de jeunes associatifs, à travers l’étude de cas de l’association caritative Zero Hunger : No Waste, No Hunger. Comme son nom l’indique, à sa fondation en 2017, cette initiative associative portée par un noyau de 7 personnes, visait essentiellement à offrir des repas aux sans-abris et autres marginaux vivant, dans un dénuement extrême, dans la rue et de la rue. L’approche ethnographique multisituée (terrain urbain et RSN), de longue durée (2018-2022) déployée par Ismail lui a permis de montrer comment ces cyber-militants ont su mettre à profit leur maîtrise des TIC ; pour constituer un important réseau de bénévoles et de partenaires socioéconomiques, dont le maillage couvre aujourd’hui vingt villes marocaines (+ de 5000 membres en 2022). Ismail montre également comment la mise en œuvre de compétences et savoir-faire en matière d’entrepreneuriat et commerce digital a permis à cette association de mettre en place des solutions digitales visant, d’une part, à assurer des sources durables de financement des actions caritatives et, d’autre part, à favoriser l’intégration socioprofessionnelle des membres bénévoles, en consolidant leurs compétences par l’offre de formations ciblées (digital skills, personal skills etc.).

Quant au dernier chapitre de la thèse, le 6ème, Ismail y présente les résultats de l’étude de la communauté facebookienne Save Casablanca. Une communauté d’activisme dans et pour la ville, dont les actions en ligne et hors ligne vise plusieurs objectifs dont : la sauvegarde du patrimoine urbain de Casablanca, la dénonciation des politiques de gestion de la ville, l’incurie des autorités urbaines leur incapacité à régler un certain nombre de problèmes chroniques dont souffre Casablanca (circulation, assainissement, gestion des déchets, pollution sonore et industrielle, parking sauvage, harcèlement des conducteurs par les gardiens informels, insécurité urbaine). Ismail montre dans ce dernier chapitre que le militantisme numérique est loin d’être un clavardage stérile et sans effets concrets. Il montre notamment comment, à travers la dénonciation systématique et visuelle des principaux maux dont souffre la ville, Save Casablanca est arrivé à attirer l’attention des autorités urbaines, à se faire reconnaître comme une communauté d’intérêt public, et – en la personne d’un de ses leaders proéminents – à se faire accepter comme un partenaire digne de participer aux réunions officielles, en tant que partie civile, dotée d’une fonction de conseiller et d’une capacité de proposition.

À travers ces deux cas d’étude, Ismail a donc réussi à étayer et consolider sa thèse, à savoir que les pratiques digitales des cyberactivistes casablancais ont bien des effets tangibles et concrets sur le terrain de la ville, et que leurs pratiques en ligne permettent bien de créer des liens sociaux alternatifs.

Jury de soutenance, thèse de Mohamed ISMAIL

  • Pr Kamal MELLAKH (PES), sociologue, (FLSH-Mohammedia, Université Hassan II de Casablanca), président de jury et rapporteur.
  • Pr Fadma AIT MOUS (PH), sociologue (FLSH-Ain Chock, Université Hassan II de Casablanca), rapporteur.
  • Pr Abdelhadi ARAB (PH), sociologue, (FLSH-El-Jadida, Université Chouaib Doukkali), rapporteur.
  • Pr Souad AZIZI (PH), anthropologue (FLSH-Mohammedia, Université Hassan II de Casablanca), directrice de thèse.
  • Pr Said BENNIS (PES) sociologue (FLSH-Rabat, Université Mohamed V), rapporteur.
  • Pr Abdelkrim SAA (PES), anthropologue (FLSH-Mohammedia, Université Hassan II de Casablanca), rapporteur

Souad Azizi

Souad Azizi est Docteur de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, spécialité Anthropologie sociale et ethnologie (EHESS, Paris, 1998). Professeur de l’Enseignement supérieur à l’Université Hassan II de Casablanca. Membre permanent du Département de Sociologie (Mohammedia), depuis 2004. Centre d'intérêt : Anthropologie digitale ; Anthropologie visuelle; Anthropologie urbaine ; Anthropologie du genre Thématiques de recherche: Ville, genre et cinéma ; Usages et représentations de l’internet ; Militantismes, sociabilités et solidarités numériques ; Genre, rituels et pouvoir ; Usages rituels et profanes de la photographie ; Photographie, migration et pratiques digitales

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Atifi H. (dir), Vulnérabilité et Internet au Maroc

Nouvelle publication collective des membres du Réseau URIM

ATIFI Hassan (sous la dir. de). Vulnérabilité et Internet au Maroc. Entre précarisation et empowerment. L’Harmattan. 2020.

 

Publication aux Editions l’Harmattan d’un nouvel ouvrage collectif sur l’Internet marocain
ATIFI, Hassan (sous la dir. de). 2020. Vulnérabilité et internet au Maroc. Entre précarisation et empowerment. Paris : L’Harmattan.

Ont contribué à l’ouvrage : Driss ABLALI, Abderhamane AMSSIDER, Noureddine BAHRI, Abderrahim BENTAIBI, Rama DAMIANO, Thierry DESRUES, Chadia ESSAKHI, Bouchaib MAJDOUL et Khadija YOUSSOUFI.

4ème de couverture : “Quel rôle joue la vidéo en ligne dans la médiatisation, la visibilité et l’empowerment de personnes malades ou spoliées au Maroc ? Comment, par exemple, les jeunes séropositifs utilisent-ils Internet pour combattre la stigmatisation ? Pourquoi et comment la sociabilité numérique contribue à établir un état de vulnérabilité pour certaines jeunes femmes, notamment dans le contexte rural ? Comment les réseaux sociaux numériques ont-ils favorisé l’émergence d’une « société de contrôle » appelant à amender certaines lois décriées au bénéfice de citoyens vulnérables ? Cet ouvrage pluridisciplinaire répond à de nombreuses questions en montrant comment des individus et collectifs vulnérables ou précarisés s’approprient les dispositifs numériques pour créer une nouvelle capacité d’action, de mobilisation et d’empowerment en ligne, à l’origine d’une nouvelle démocratie numérique.”

Souad Azizi

Souad Azizi est Docteur de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, spécialité Anthropologie sociale et ethnologie (EHESS, Paris, 1998). Professeur de l’Enseignement supérieur à l’Université Hassan II de Casablanca. Membre permanent du Département de Sociologie (Mohammedia), depuis 2004. Centre d'intérêt : Anthropologie digitale ; Anthropologie visuelle; Anthropologie urbaine ; Anthropologie du genre Thématiques de recherche: Ville, genre et cinéma ; Usages et représentations de l’internet ; Militantismes, sociabilités et solidarités numériques ; Genre, rituels et pouvoir ; Usages rituels et profanes de la photographie ; Photographie, migration et pratiques digitales

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Rama D., (2014), Analyse de l’impact culturel d’un changement technologique sur la sociabilité adolescente. Adjectif.net [En ligne], mis en ligne le 24 juillet 2014.

Disponible sur : http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article300&lang=fr

Souad Azizi

Souad Azizi est Docteur de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, spécialité Anthropologie sociale et ethnologie (EHESS, Paris, 1998). Professeur de l’Enseignement supérieur à l’Université Hassan II de Casablanca. Membre permanent du Département de Sociologie (Mohammedia), depuis 2004. Centre d'intérêt : Anthropologie digitale ; Anthropologie visuelle; Anthropologie urbaine ; Anthropologie du genre Thématiques de recherche: Ville, genre et cinéma ; Usages et représentations de l’internet ; Militantismes, sociabilités et solidarités numériques ; Genre, rituels et pouvoir ; Usages rituels et profanes de la photographie ; Photographie, migration et pratiques digitales

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Azizi S., “Internet quel usage au Maroc”

Interview réalisée par Eric Bataillon (Orient Hebdo, RFI), le 15 juin 2019. Disponible sur : http://www.rfi.fr/emission/20190615-maroc-internet-usage-souad-azizi-ethnologue

E. Bataillon : Constatez-vous une informatisation de la société marocaine aujourd’hui ?

S. Azizi: Toutes proportions gardées, même si on est encore très loin du modèle de pays tels que l’Islande (100%) ou Singapour – et si l’on met entre parenthèses les régions rurales les plus défavorisées, qui ne bénéficient pas encore ou très peu d’une couverture réseau -, on peut dire qu’en matière d’informatisation, le Maroc a fait des pas de géants en l’espace d’une vingtaine d’années.

Depuis la fin des années 90, le pays s’est engagé dans un vaste programme d’informatisation qui touche nombre de secteurs et institutions clefs de la société marocaine. Cela en raison d’une prise de conscience à l’échelle nationale que le développement des NTIC est une question de compétitivité, voire de survie dans une économie mondiale globalisée. Comme l’a dit très justement Gilles Kaplan, « Rester absent d’Internet revient à s’exclure des circuits commerciaux » internationaux.

Cette volonté du Maroc de ne pas rester en rade des changements globaux induits par la révolution numérique s’est traduite par le lancement d’une vaste réforme des infrastructures du secteur des télécommunications et dans l’élaboration de plusieurs stratégies numériques nationales (E-Morocco, Maroc numeric 2013 et Stratégie Maroc Digital 2020).

Le Maroc a également adopté une politique de libéralisation et de privation du marché des nouvelles technologies qui a permis de casser le monopole de l’Etat sur le secteur et de susciter concurrence et innovation là où auparavant il n’y avait que stagnation.

La commercialisation de l’Internet et de ses objets constitue un marché juteux qui génère beaucoup de bénéfices pour les trois opérateurs en concurrence : Maroc Telecom, Meditel et Inwi. Mais contrairement à d’autres pays où l’accès à l’Internet reste cher, ici il y a une réelle démocratisation et les prix des équipements, des abonnements internet et des communications en général ne cessent d’être revus à la baisse grâce aux mécanismes de régulation et de développement du secteur mis en place par le gouvernement.

Grâce au développement de la téléphonie mobile, il est aujourd’hui possible avec une carte 4G d’une valeur de 10 à 20 DH, d’accéder à Internet pendant 1 heure, avec une carte prépayée 5 DH. Cela a permis d’accoutumer à l’usage du smartphone même les personnes n’ayant pas des revenus réguliers ou élevés. [Plus de 98% des internautes marocains âgés de 12 à 65 ans accèdent à Internet via un smartphone].

Et bien sûr une fois l’usage du smartphone entré dans les mœurs, une fois les internautes habitués à utiliser les applications mobiles de confort et de loisirs, il est facile d’imposer les applications de certaines administrations et services publics.

Nombre de services et interactions avec des services publics sont d’ailleurs en voie de dématérialisation : la déclaration des impôts en ligne après avoir été un choix devient obligatoire ; le paiement des factures de Maroc Telecom sont aujourd’hui totalement numérisées (en ligne ou sur des bornes de paiement).

On peut dire que les stratégies numériques nationales ont largement porté leurs fruits, puisqu’en matière d’informatisation de la société, le Maroc se classe aujourd’hui parmi les premiers à l’échelle du continent africain. Sur le plan mondial, le Maroc se classe, depuis 2017, parmi les pays qui enregistrent les plus forts taux d’usage (80 à 100%) de l’Internet chez les jeunes de 15 à 24 ans (Sanou, 2017 : 1). Ce sont eux l’avenir.

E. Bataillon : En 1995, année où le Maroc se connecte au réseau internet, il y a moins de mille internautes, combien y en-a-t-il aujourd’hui ? (et comment expliquer cette explosion ?)

S. Azizi: Le Maroc s’est officiellement connecté au réseau mondial seulement en novembre 1995, et à la fin de cette même année, le pays compte à peine 999 internautes. La majorité de ces usagers de la première heure sont des hommes d’un niveau d’instruction élevé, des universitaires, professeurs et étudiants de l’Ecole Mohammedia des ingénieurs de Rabat et de l’Université Al Akhawayn à Ifrane.

Mais depuis, il y a une croissance impressionnante de la population des internautes marocains, qui est aujourd’hui socio démographiquement très différenciée (L’âge des internautes marocains va de 5 à 75 ans comme les lecteurs de Goscinny et Uderzo).

Du 31 décembre 2000 au 31 mars 2019, on est passé de 100 000 à 22 567 154 internautes. Ce qui représente un taux de pénétration de 61,6% de la population marocaine (qui je le rappelle a été estimée à 36 635 156, en 2019).

Parmi les facteurs qui ont favorisé cette croissance de la population des internautes, il faut bien sur rappeler en premier lieu le rôle directeur et fondateur joué par le gouvernement marocain, dans le développement des infrastructures du net, dans la création d’institutions et la promulgation de nouvelles réglementations visant le suivi et la mise en application des stratégies numérique nationales.

Ceci dit, les actions officielles ou les campagnes de promotion des services internet auprès du grand public ne suffisent pas à expliquer à elles seules cette croissance de la population des internautes marocains.

Premièrement, il faut prendre en compte le rôle joué par l’économie informelle, dans l’expansion du marché et la diffusion des outils de l’Internet. Car dans l’économie marocaine, il y a toujours une partie souterraine, invisible qui permet justement l’intégration, voire la survie de tous les laissés pour compte du système formel. Je prends pour exemple les smartphones dont une partie non négligeable se vend quotidiennement non pas dans des magasins ayant pignon sur rue, mais sous le manteau ou sur des étals à même le trottoir, à des prix défiant toute concurrence.

Le recours au commerce informel des smartphones permet aux personnes les plus démunis financièrement de se procurer un dispositif de connexion moins cher et plus facile d’usage qu’un ordinateur. Aujourd’hui, il est très fréquent de voir au fil des trottoirs, un balayeur, une mendiante, un gardien de voitures faire une pause tête baissée sur un smartphone pour visionner des vidéos sur WhatsApp. Je veux dire des individus dont en penserait qu’ils ont des besoins plus essentiels qu’une connexion mobile.

Deuxièmement, il faut souligner qu’au Maroc il existe une tradition de solidarité envers les proches et les moins favorisés qui fait que les connexions fixes comme les connexions mobiles sont souvent mises en commun entre parents et proches voisins. Donner son code de Wifi est d’ailleurs devenu un acte d’hospitalité, dans les quartiers populaires et en milieu rural.

Il en était de même avec les téléviseurs dans les années 60, où les rares familles qui avaient la chance d’en posséder un recevaient à leur domicile les membres des familles voisines pour des séances de visionnage collectives. Le même phénomène de partage a lieu aussi avec les antennes paraboliques des premières télévisions satellitaires.

Troisièmement, comme autre facteur favorisant la croissance du nombre des internautes marocains, il faut aussi prendre en compte la popularité des tablettes et surtout du smartphone, dont le mode de fonctionnement à la fois plus aisé et plus ludique que celui de l’ordinateur, a permis l’accès à l’Internet d’enfants de plus en plus jeunes, mais aussi et surtout des individus illettrés ou peu instruits[1]. Il faut rappeler que l’analphabétisme touche encore 1 personne sur 10 (taux de 32% aujourd’hui contre un taux de 87% en 1960 ; 9 personnes sur 10).


On voit d’ailleurs souvent circuler sur Facebook et sur WhatsApp des vidéos de singes surfant avec aisance sur des smartphones ou des tablettes, preuve si nécessaire que l’usage de ces dispositifs ne requiert ni de grandes capacités cognitives ni une certaine alphabétisation.

E. Bataillon: Les Marocains se sont donc approprié Internet. Mais quel usage en font-ils ?

S. Azizi : Le principal objectif de cet ouvrage collectif est justement de contribuer à la recherche sur les usages de l’Internet par les Marocains.

Si on observe les dernières statistiques nationales, elles montrent que les principaux usages des internautes marocains sont – par ordre d’importance – la participation aux réseaux sociaux (82,1% ; 90%), le visionnement et le téléchargement de contenus multimédias (67,3% ; 76,7%), le téléchargement de logiciels et d’applications (58,9% ; 72,1%) et l’utilisation de messageries électroniques (42,9% ; 71%) (ANRT, 2016). [Ces statistiques proviennent des résultats de la 12ème édition de l’enquête nationale sur les TIC auprès des ménages et des individus réalisée au premier trimestre de 2016.]

Ces statistiques nous sont utiles pour connaître les grandes tendances des usages, mais elles sont loin de nous donner une quelconque visibilité sur les pratiques numériques concrètes de tel groupe social ou telle catégorie d’individus. Par exemple, savoir que 15 millions de Marocains utilisent quotidiennement Facebook, ou qu’ils l’utilisent en moyenne tant d’heures, ne nous apprend rien sur l’identité des groupes et individus en présence, sur la nature des relations nouées sur ce réseau, sur le contenu des discours échangés, ou celui des documents multimédias visionnés ou téléchargés.

D’où l’intérêt des articles réunis dans l’ouvrage collectif, L’Internet au Maroc : militantismes, sociabilités et solidarités, dont l’objectif commun est de questionner les usages numériques spécifiques de communautés ou catégories d’individus particulières, à travers des études basées sur des enquêtes empiriques, réalisées pour la plupart à la fois en ligne et hors ligne. Bien sûr, il est difficile de traiter en l’espace d’un petit livre et avec une équipe réduite l’ensemble des usages de l’Internet. Nous avons donc essayé de focaliser notre attention sur trois dimensions d’usage importantes : le militantisme numérique, les pratiques de sociabilité et les usages d’Internet comme espace public alternatif par les communautés minorisées et les individus souffrant d’un stigmate social.

E. Bataillon : Comment se traduit ce que vous appelez le « militantisme numérique » des internautes ?

S. Azizi: La toile marocaine est en quelque sorte devenue LA caisse de résonance de toutes les grandes questions sociales et politiques qui taraudent la société marocaine. C’est une arène où peuvent se côtoyer voire se confronter des idéaux et des projets de société souvent totalement opposés. On y milite aussi bien pour une application rigoureuse de la charia que pour le droit des irréligieux à vivre en accord avec leur liberté de conscience.

Par ailleurs, les usages militants de l’Internet marocain sont aujourd’hui très diversifiés et se sont énormément complexifiés du fait des interconnexions multiples entre les réseaux sociaux, les blogs de militants et les sites des médias citoyens ; du fait aussi que le militantisme en réseau permet aux internautes l’engagement actif ou la participation distanciée à plusieurs mouvements à la fois.

Premièrement, on observe des formes de militantisme assez classique qui découlent de la migration vers le cyberespace de mouvements et organisations qui ont une certaine profondeur historique et sont organisés sur la base d’une hiérarchisation des rapports entre les dirigeants et les militants de base. Je pense notamment ici aux partis de l’opposition et aux syndicats pour qui l’usage de l’Internet est souvent instrumental et laisse peu de place à la créativité ou aux expressions personnelles des membres.

Pour ces collectifs structurés, l’Internet est un outil qui sert à informer, motiver et mobiliser les troupes avant des actions sur le terrain, avant des meetings, des élections, donner une certaine publicité aux actions réalisées, aux projets en cours, etc.

Deuxièmement, on observe de nouvelles formes de militance qui découlent de l’émergence de mouvements protestataires dont l’organisation est moins rigide, qui ne nécessitent pas l’adhésion à un parti politique et permettent des modes de participation qui favorisent la créativité et la prise d’initiative chez leurs membres, notamment les plus jeunes qui ont une grande maîtrise des outils et de la communication numérique.

Par exemple, le mouvement du 20 février, le Mouvement Alternatif des Libertés Individuelles (MALI) qui en est issu, le mouvement des Soulayliyates qui militent pour l’égalité des droits homme/femme en matière d’héritage, le Hirak du Rif qui constitue à la base un mouvement de revendication d’une meilleure gouvernance de la chose publique, d’une meilleure justice sociale, d’une redistribution équitable des richesses du pays, etc.

Et c’est dans le cadre de ces plus récents mouvements de revendication sociale qu’ont été peaufiné des formes inédites de militantisme qui prennent racine dans le cyberespace et s’expriment pour la plupart essentiellement en ligne, à travers des médias citoyens (tels que Mamfakinch ; febrayer.tv), des forums de discussion, des podcasts, des vidéos-délation ou d’autres formules comme les micro-trottoirs.

Les formes individuelles de ce cyberactivisme, telles que le podcasting ou la vidéo-délation nous amène d’ailleurs à revoir la définition classique du militantisme comme « action collective protestataire » (Granjon, 2017). Car le militantisme numérique peut être porté par des individus isolés qui ne se revendiquent d’aucun groupe en particulier, mais pour qui militer en ligne signifie – au sens premier du terme – « faire la guerre » pour une cause auto attribuée, contre un ennemi auto proclamé.

Je donne pour exemple la vidéo-délation des faits de corruption qui a été initiée par le Sniper de Targuist (août 2007) qui filmait en caméra cachée des gendarmes touchant des pots de vin auprès des automobilistes. Cet internaute a fait depuis beaucoup d’émules et la vidéo-délation est devenue un canon du cyberactivisme marocain.

À leur manière, ces cyber militants arrivent à mobiliser autour d’eux des milliers de followers, qui partagent et interagissent avec leurs publications, de manière positive ou négative d’ailleurs. Et l’impact de ce genre d’action isolée et totalement en ligne ne doit pas être négligée. Car pour en revenir au Sniper de Targuist, les gendarmes mis en cause dans ses vidéos ont été identifiés et mis à pied par leur hiérarchie. Sans doute doit-on également à tous ces jeunes qui militent en ligne contre la corruption des fonctionnaires, le fait qu’aujourd’hui les gendarmes marocains sont équipés durant leur service d’une petite caméra qui enregistrent tous leurs faits et dires, durant leurs interactions avec les citoyens.

E. Bataillon: Peut-on parler d’un espace publique numérique au Maroc, comme il y a un espace physique ?

S. Azizi: Même si on est aujourd’hui loin de l’autoristarisme hassanien et du verrouillage des années de plomb, la question reste toujours posée de savoir s’il existe réellement un espace public tout court, dans le sens habermasien du terme, c’est-à-dire une sphère publique fondée sur les valeurs démocratiques de liberté d’expression et de participation citoyenne aux affaires publiques.

Je pense qu’à l’heure actuelle, les conditions d’usage du cyberespace comme des espaces publics physiques en tant que lieux de mobilisation citoyenne et d’expression politique peuvent être considérées comme une échelle de mesure de la constitution ou plutôt de la négociation constante d’une sphère publique. Car la sphère publique n’est pas une construction stable, mais un construit symbolique, immatériel et éminemment fragile.

Ce que l’on constate aujourd’hui, concernant les espace publics matériels, c’est que même si l’Etat en garde le contrôle d’accès et d’usage, ils sont le lieu de libération d’une parole publique qui n’a plus peur de se dire. Je veux dire par là que les citoyens marocains (jeunes et moins jeunes et toutes catégories sociales confondues) osent maintenant occuper une place publique, un bout de trottoir, et clamer haut et fort leur opinion sur telle ou telle question sociale, leur critique de tel ou tel responsable politique, etc.

Et, à mon sens, on observe là une prise de confiance – ou si l’on peut dire un empowerment – qui n’aurait jamais été possible sans les usages de l’Internet comme espace public. Car c’est la liberté d’expression rendue possible par les médias sociaux et les groupes de discussion en ligne qui a contribué autant au regain d’intérêt pour les affaires publiques qu’à l’éveil des plus jeunes aux questions de citoyenneté et de démocratie.

Pour conclure, je dirais oui l’Internet offre un espace public immatériel et ses usages militants favorisent à la fois l’acculturation politique et l’émergence d’une contre-culture politique chez les jeunes marocains.

La question de la constitution d’un espace public numérique au Maroc a été traitée dans la contribution de Khadija Karibi qui interroge les caractéristiques de ce nouvel espace d’expression et la nature de ses relations avec la sphère publique (l’espace public habermasien) et les espaces publics physiques. De ses analyses de diverses formes d’actions militantes en ligne et hors ligne, Karibi conclut que l’espace public numérique constitue désormais un entre-deux incontournable, un espace intermédiaire entre les espaces publics physiques avec lesquels il s’inscrit souvent dans un continuum et l’espace public politique auquel il contribue à donner forme et sens, notamment dans les pays comme le Maroc où le respect des valeurs démocratiques de liberté d’expression continue à faire défaut.

E. Bataillon : Une particularité que note l’un de vos auteurs, c’est l’usage que font les jeunes marocains de podcasts satiriques ou humoristiques. De quelle façon en font-ils un outil militant ?

S. Azizi : Les podcasts constituent un mode de communication très populaire chez les jeunes marocains. Leur contenu et leur forme peuvent varier et refléter le profil socioculturel, les préoccupations et les opinions de leurs auteurs, mais tous sont symptomatiques d’une attitude militante largement partagée par ces jeunes.

On peut les appréhender comme un regard critique porté sur certains faits sociaux, sur certaines contradictions de la société marocaine globale, ou du moins sur l’environnement social immédiat de leurs auteurs.

Par ailleurs, ces podcasts ont souvent un intérêt ethnographique très appréciable pour les chercheurs lorsqu’ils se présentent comme des chroniques de la vie quotidienne dans une rue, un quartier, un village dont les populations souffrent d’une forme ou une autre de marginalisation. Je pense notamment aux podcasts qui documentent les difficultés des bidonvillois pris dans un processus de recasement autoritaire ou les indésirables de l’espace public comme les vendeurs informels ou les artistes de rue.

Et même s’il ne traite pas de la politique de manière explicite, ce qui fait des podcasts un outil militant – quels que soient leur contenu et leur forme – ce sont trois constantes : l’approche critique, l’attitude militante et l’intention implicite ou explicite d’orienter l’opinion sur le sujet traité.

Les podcasts étudiés dans la contribution d’Abentak et Machkouri sont l’œuvre d’internautes qui se sont en quelque sorte spécialisés dans la satire politique.

Ils utilisent l’humour et le ridicule comme un scalpel pour autopsier le corps politique et diagnostiquer ses maux. Leurs principales victimes sont les politiques et les hauts fonctionnaires dont ils décortiquent les discours, les actions et les apparitions médiatiques. Ils ne ratent pas un faux pas, pas un lapsus qu’ils transforment aussitôt en meme.

On peut dire que ces podcasteurs sont les héritiers des auteurs anonymes des blagues politiques qui étaient sous le règne d’Hassan II la seule forme de discours critique toléré, parce qu’impossible à contrôler. Mais contrairement aux auteurs anonymes des blagues, les auteurs des podcasts politiques prennent beaucoup de risque, parce qu’ils apparaissent à visage découvert et ne prennent pas de gants pour ridiculiser les hommes « forts » du pays.

Je donne pour exemple Mohamed Tsoul qui a récemment publié sur Facebook un podcast intitulé « Qu’avons-nous réalisé en 20 ans : l’élaboration (albalwara) ». Le sujet de cette vidéo satirique n’est autre que le roi Mohamed VI. Le podcasteur s’est amusé à faire un montage compilant des extraits de discours où le roi annonce que tel programme ou tel projet de développement a été élaboré. Cette vidéo sous-entend qu’en 20 ans il y a eu beaucoup de programme de développement social, mais que beaucoup sont restés au stade de projet et n’ont jamais vu le jour (albalwara). Ce podcast est très déstabilisant, parce qu’il montre grâce à un montage accéléré comment le corps du roi et son élocution se sont transformés et affaiblis, en raison de sa maladie.

On est donc passé d’une phase où l’essentiel de la satire des podcasts porte sur les représentants du gouvernement et des chefs de partis à une phase où c’est la personne même du roi et ses actions qui deviennent objets de critique.

Sur YouTube surtout, on peut observer énormément de vidéos où le roi est interpellé et sommé de rendre des comptes au peuple sur sa fortune colossale, sur les biens qu’ils possèdent à l’étranger. Dans la bouche de ces jeunes, le surnom « Roi des pauvres » a un tout autre contenu que celui qu’il avait au début du son règne. Pour conclure, je dirais que le podcasting politique malgré son aspect bon enfant est une forme de cyberactivisme à haut risque, que ses auteurs sont loin d’être des têtes brûlées, mais de fins analystes de la vie politique du pays qui n’ont rien à envier aux journalistes, qu’ils prennent d’ailleurs un malin plaisir à singer.

E. Bataillon : Concernant les usages au sein de la famille, l’Internet favorise-t-il une certaine socialisation ou renvoie-t-il, au contraire, à une individualisation ?

S. Azizi : En amont du colloque, nous avions soulevé un certain nombre de questions concernant les effets des usages de l’Internet au sein des familles. Notamment les suivantes :

Qu’est-ce que l’introduction de l’Internet dans les espaces domestiques fait aux relations parents/enfants ? Comment il contribue à la socialisation des plus jeunes comme des plus grands ? Quels sont les effets des usages précoces de l’Internet sur le processus de construction de la personnalité de l’enfant, sur ses relations intra et extra familiales ? L’Internet favorise-t-il l’épanouissement des jeunes enfants en termes d’autonomisation, d’accès à d’autres cercles de sociabilité ou au contraire est-il un facteur d’addiction aux écrans et de repli sur soi ?

Ces questions n’ayant pas fait l’objet de contribution, elles restent posées et j’espère que nous pourrons y apporter des éléments de réponse dans une prochaine publication.

Votre question renvoie à une image courante des pratiques numériques comme étant un facteur de repli sur soi de l’individu, un facteur d’affaiblissement des liens sociaux et de déliance même au sein des familles et des couples.

Mais on observe à travers les études présentées dans cet ouvrage collectif, qu’au contraire les usages d’Internet favorisent la création de nouveaux liens sociaux qui peuvent soit se surajouter aux relations sociales déjà existantes hors ligne ou permettre de pallier à leur déficience, notamment chez les personnes souffrant d’un stigmate social comme les porteurs du VIH ou les personnes souffrant d’un handicap (PSH), qui ont respectivement été étudiés par Bouchaib Majdoul et Asma Bousbaa.

Concernant les usages au sein de la famille, la contribution de Mouhieddine interroge les effets de Facebook sur la vie de couple, à travers une enquête auprès d’une vingtaine de jeunes conjoints de la ville d’El Jadida.

Cette contribution permet de remettre en question l’image négative de Facebook comme étant un briseur de couples et un facteur de repli sur soi. Car Mouhieddine observe que les comptes Facebook sont souvent mis en commun dans le couple et ne revêtent pas un caractère privé. Ce qui répond selon elle à une volonté de transparence et d’instauration d’une relation fusionnelle. Par ailleurs, elle observe que la communication entre conjoints via Facebook leur permet d’échanger, de manière détournée, sur des questions touchant à la sexualité que le mode de socialisation traditionnel (lhchouma) ne leur permet pas d’aborder en face à face. La contribution de Mouhieddine montre donc que Facebook permet aux conjoints à la fois de maintenir et élargir leur cercle de sociabilité, qu’il n’est pas un facteur de repli sur soi ou sur la relation conjugale, et qu’il constitue même un moyen de négocier un certain équilibre entre les dimensions individuelle et commune de la vie en couple.

Une deuxième image négative qui alimente les peurs des parents est celle de Facebook comme étant un espace où leurs enfants peuvent faire de mauvaises rencontres et s’adonner à des pratiques contraires à la tradition et à la pudeur.

Une image négative que permet de remettre en question la contribution de Rama Damiano qui montre – à travers l’analyse des modes de présentation de soi en ligne et des pratiques de sociabilité numérique de jeunes adolescents (filles et garçons) que les peurs des adultes sont en grande partie infondées. Cela en raison de l’intériorisation précoce et forte par ces jeunes des normes et injonctions de comportement de leur milieu d’appartenance qui fait qu’ils s’imposent à eux-mêmes certaines limites à ne pas dépasser en termes de discours et publications d’images. Les contributions de Mouhieddine et Rama montrent donc que les sociabilités numériques des jeunes marocains, qu’ils soient adolescents ou adultes, sont marquées ou sinon fortement colorées par leur socialisation primaire, celle reçue dans leur famille dans la petite enfance.

E. Bataillon : Enfin, vous pointez le fait que le réseau mondial favorise un espace public alternatif pour les minorités. De quel façon, et pour quelles minorités ?

S. Azizi : Il s’agit notamment de communautés ou d’individus pour lesquels l’espace public est interdit, inaccessible ou tout simplement non souhaitable, en raison de leur stigmatisation sociale ou de leur vulnérabilité physique. Par exemple :

  • les membres de la communauté LGBT dont l’orientation sexuelle est criminalisée par le Code Pénal marocain,
  • les jeunes irréligieux qui revendiquent le droit de ne pratiquer aucun culte et rejettent en bloc tous les dogmes religieux,
  • les chrétiens marocains issus de familles musulmanes qui sont considérés comme des apostats et sont obligés de pratiquer leurs messes dans des espaces privés,
  • les individus porteurs du VIH qui sont vus et traités comme des prostitués, des homosexuels ou des déviants sexuels quels que soient la manière dont ils ont contracté la maladie du sida, quels que soient leur genre, leur orientation sexuelle ou leur statut
  • les personnes souffrant d’un handicap également, pas seulement à cause de leur mobilité réduite, mais aussi parce que les regards et les stéréotypes négatifs à l’encontre des PSH ont encore la peau dure.

Pour toutes ces catégories l’expression dans l’espace public hors ligne est donc difficile voire dangereuse. Pour cela, elles n’ont pas d’autres choix que de recourir à l’Internet comme espace où une certaine liberté d’expression et de communication leur est garantie par sa nature dématérialisée.

Je reviendrais tout à l’heure sur le cas de la communauté LGBT. Je voudrais d’abords dire un mot sur les contributions de Bouchaib Majdoul et Amal Bousbaa qui ont respectivement étudiés les sociabilités numériques des porteurs du VIH et des personnes présentant un handicap (PSH).

Ces deux auteurs montrent que pour ces deux catégories d’individus, l’Internet permet de sortir de l’isolement, d’accéder à d’autres formes de sociabilité, de lutter contre les discriminations et neutraliser le stigmate.

De son observation des « liaisons numériques »[1] des séropositifs, Majdoul conclut qu’elles peuvent à première vue paraître comme des liens faibles, mais qu’en réalité elles constituent des liens ayant assez de consistance pour leur permettre de restaurer le lien social leur faisant défaut dans la vie hors ligne.

Quant à Amal Bousbaa, elle a constaté que les liens sociaux établis en ligne par les PSH leur permettent de s’affranchir des contraintes et limites de mobilité liées à leurs déficiences physiques, de sélectionner leurs interlocuteurs, d’avoir une certaine maitrise sur le processus d’évolution de la relation. L’espace numérique leur offre aussi la possibilité de dissimuler leur handicap et de choisir à qui, quand et comment le dévoiler. Selon Bousbaa, les PSH se construisent une identité virtuelle qui peut être plus ou moins en congruité avec leur identité réelle ou en être complètement différente. Ce qui leur permet d’expérimenter un nouveau moi, dont le caractère désincarné permet la libération du poids du corps déficient et de son lot de stigmates.

Pour en revenir aux internautes LGBT marocains, telles que Kifkif et Minna wa finna – qui sont respectivement des communautés de militants homosexuels et lesbiennes – l’espace public réel est un terrain à haut risque, du fait que la société marocaine est globalement hétéronormative et imprégné d’une homophobie chronique, qui se transforme épisodiquement en crise hyper aigue avec agression et lynchage réel et médiatique d’individus soupçonnés ou convaincus d’homosexualité.

Les agressions physiques à l’encontre des homosexuels sont monnaie courante et restent très souvent impunies, d’une part parce qu’il n’y a pas de soutien des familles et d’autre part parce que ces victimes n’ont aucun recours légal possible du fait que le Code Pénal marocain, par l’article 484, condamne les relations intimes entre personnes de même sexe comme un délit passible d’une peine de prison de 3 mois et d’une amende de 1000 DH. Donc pour les militants de la communauté LGBT du Maroc, il n’existe pas d’autre alternative que le cyberespace, dans lequel ils communiquent aussi bien à travers leurs sites communautaires, qu’à travers les réseaux sociaux tel que Facebook. Un objectif majeur de leur lutte est l’abrogation du code 484, mais ils œuvrent également à changer les mentalités et les perceptions négatives de leur identité par leurs concitoyens.



Souad Azizi

Souad Azizi est Docteur de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, spécialité Anthropologie sociale et ethnologie (EHESS, Paris, 1998). Professeur de l’Enseignement supérieur à l’Université Hassan II de Casablanca. Membre permanent du Département de Sociologie (Mohammedia), depuis 2004. Centre d'intérêt : Anthropologie digitale ; Anthropologie visuelle; Anthropologie urbaine ; Anthropologie du genre Thématiques de recherche: Ville, genre et cinéma ; Usages et représentations de l’internet ; Militantismes, sociabilités et solidarités numériques ; Genre, rituels et pouvoir ; Usages rituels et profanes de la photographie ; Photographie, migration et pratiques digitales

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Bousbaa A., “Maroc: L’anonymat en ligne est un élément central pour les personnes handicapées”

Interview réalisée par Solène Paillard, le 24 juillet 2019. Disponible sur : https://www.yabiladi.com/articles/details/81480/maroc-l-anonymat-ligne-element-central.html

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Souad Azizi est Docteur de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, spécialité Anthropologie sociale et ethnologie (EHESS, Paris, 1998). Professeur de l’Enseignement supérieur à l’Université Hassan II de Casablanca. Membre permanent du Département de Sociologie (Mohammedia), depuis 2004. Centre d'intérêt : Anthropologie digitale ; Anthropologie visuelle; Anthropologie urbaine ; Anthropologie du genre Thématiques de recherche: Ville, genre et cinéma ; Usages et représentations de l’internet ; Militantismes, sociabilités et solidarités numériques ; Genre, rituels et pouvoir ; Usages rituels et profanes de la photographie ; Photographie, migration et pratiques digitales

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Majdoul B. “Maroc : Quand internet devient le refuge des jeunes séropositifs”

INTERVIEW RÉALISÉ PAR SOLÈNE PAILLARD, LE 14 JUIN 2019. DISPONIBLE SUR : https://www.yabiladi.com/articles/tagged/84322/bouchaib-majdoul.html

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Souad Azizi est Docteur de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, spécialité Anthropologie sociale et ethnologie (EHESS, Paris, 1998). Professeur de l’Enseignement supérieur à l’Université Hassan II de Casablanca. Membre permanent du Département de Sociologie (Mohammedia), depuis 2004. Centre d'intérêt : Anthropologie digitale ; Anthropologie visuelle; Anthropologie urbaine ; Anthropologie du genre Thématiques de recherche: Ville, genre et cinéma ; Usages et représentations de l’internet ; Militantismes, sociabilités et solidarités numériques ; Genre, rituels et pouvoir ; Usages rituels et profanes de la photographie ; Photographie, migration et pratiques digitales

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S. Azizi, (2012), “L’enquête ethnographique en ligne”

Référence complète : Azizi S., 2012, « L’enquête ethnographique en ligne : L’exemple de Facebook » [En ligne], p. 35-47, in Rahma Bourqia (sous la dir. de). Territoires, localité et globalité : Faits et effets de la mondialisation, volume 2, Actes, Paris : L’Harmattan, (coll. « Logiques sociales »). Disponible sur : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01110673/

Résumé : L’objet de ce texte est de présenter quelques réflexions d’ordre méthodologique liées à une recherche en cours sur la construction d’identités amazighes dans et à travers Facebook, un réseau social en ligne. Le terrain de cette étude étant exclusivement virtuel, et aucun contact de face à face n’ayant été établi avec les observés, les questions qui se posent sont les suivantes : Quels sont les effets du contexte virtuel sur le chercheur ? Et quelles sont les conditions d’exercice de son travail d’ethnographe ? En d’autres termes, comment s’est négocié l’accès à ce terrain particulier ? Que devient la notion même de « terrain » et que veut dire faire de l’observation participante, lorsque les interactions avec les observés sont médiatisées par ordinateur ?

Souad Azizi

Souad Azizi est Docteur de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, spécialité Anthropologie sociale et ethnologie (EHESS, Paris, 1998). Professeur de l’Enseignement supérieur à l’Université Hassan II de Casablanca. Membre permanent du Département de Sociologie (Mohammedia), depuis 2004. Centre d'intérêt : Anthropologie digitale ; Anthropologie visuelle; Anthropologie urbaine ; Anthropologie du genre Thématiques de recherche: Ville, genre et cinéma ; Usages et représentations de l’internet ; Militantismes, sociabilités et solidarités numériques ; Genre, rituels et pouvoir ; Usages rituels et profanes de la photographie ; Photographie, migration et pratiques digitales

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S. Azizi, (2013), Les Idaw Facebook : Typologie de groupes amazighs sur un réseau social virtuel

 Référence complète :  Azizi S., 2013, « Les Idaw Facebook : Typologie de groupes amazighs sur un réseau social virtuel » [En ligne], p. 55-76, in Hammou Belghazi (éd.), La culture amazighe. Réflexions et pratiques anthropologiques du temps colonial à nos jours, Actes, Rabat : Publications de l’IRCAM. Disponible sur: https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01109189

Résumé : Dans cet article sont présentés les résultats de l’observation de ces collectifs de facebookeurs dont les membres, que je surnomme les Idaw Facebook, se réclament d’une identité amazighe et se rassemblent en tant qu’Amazighs. Le terrain de cette étude étant virtuel, aucun contact de face à face n’a été établi avec les membres des groupes observés. La première question qui se pose donc ici est comment j’ai procédé pour identifier et sélectionner parmi les milliers de groupes qui existent sur Facebook ceux qui peuvent être considérés comme relevant de l’amazighité. En d’autres termes quels sont mes critères de définition d’un groupe d’Idaw Facebook ? Les trois autres questions auxquelles cette communication essaye d’apporter des éléments de réponse sont les suivantes : Dans quel genre s’inscrivent les groupes créés par les Idaw Facebook ? A qui s’adressent-ils : à l’ensemble des Imazighen présents sur Facebook ou à une communauté régionale en particulier ? Et quels sont leurs objectifs de regroupement ?

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Souad Azizi est Docteur de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, spécialité Anthropologie sociale et ethnologie (EHESS, Paris, 1998). Professeur de l’Enseignement supérieur à l’Université Hassan II de Casablanca. Membre permanent du Département de Sociologie (Mohammedia), depuis 2004. Centre d'intérêt : Anthropologie digitale ; Anthropologie visuelle; Anthropologie urbaine ; Anthropologie du genre Thématiques de recherche: Ville, genre et cinéma ; Usages et représentations de l’internet ; Militantismes, sociabilités et solidarités numériques ; Genre, rituels et pouvoir ; Usages rituels et profanes de la photographie ; Photographie, migration et pratiques digitales

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Azizi S. (dir.), L’internet au Maroc: militantismes, sociabilités et solidarités numériques

http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=62619

L’Internet au Maroc : militantismes, sociabilités et solidarités

Souad Azizi

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André GUNTHERT, “Image numérique et partage”, Mooc composé de six vidéos en accès libre

https://moocdigital.paris/cours/image-numerique-partage

Souad Azizi

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Appel à contribution pour le dossier thématique de la revue Communication “L’espace public en sciences de la communication : à la croisée des regards des pays arabophones et africains subsahariens” VOLUME 38/1

http://communication-societes.uca.fr/article369.html

Souad Azizi

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publication des actes du 1er colloque du RÉSEAU urim

L’Internet au Maroc : militantismes, sociabilités et solidarités, sous la dir. de Souad Azizi, Paris : L’Harmattan, (coll. Logiques sociales), 2019.

SOMMAIRE

Le comité scientifique ………………………………..………………….9

Remerciements ………………………………………………….………..11

Introduction …………………………………………………………..……13

  Souad Azizi

De l’espace public concret à l’espace virtuel :

construction d’un nouvel espace d’expression ? ………….27

Khadija Karibi

Le Podcasting : une autre forme de militantisme numérique

au Maroc ……………………………………………………………………..45

Malika Abentak & Noufissa Machkouri

Nouvelles technologies, nouvelle sociabilité : l’usage

de Facebook dans la relation conjugale ……………………….65

Fatima Mouhieddine

L’Internet des jeunes et les peurs des adultes : usages

et représentations des réseaux sociaux au Maroc …………79

               Damiano Rama

La vidéo en ligne de charité : espace de médiatisation

de la vulnérabilité au Maroc ………………………………………..103

               Hassan Atifi

Changement social, TIC et associations de développement :

communautés locales et genre ………………………………………..127

               Noureddine Bahri, Abderrahim Bentaïbi et Thierry Desrues

Jeunes séropositifs marocains et internet : la force

d’un lien faible ………………………………………………………………..153

               Bouchaib Majdoul

Les enjeux de l’accessibilité aux NTIC des personnes en

situation d’handicap : quelles implications sur les liens

sociaux ? …………………………………………………………………………173

               Amal Bousbaa

Marginalité des femmes à travers les images stéréotypées au

sein des réseaux socionumériques : cas de Facebook………193

               Myriem Narjis

Les auteurs ……………………………………………………………………….211

Souad Azizi

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Réseau URIM

Le réseau « Usages et Représentations de l’Internet au Maroc » (Réseau URIM) est né de la volonté des organisateurs et participants au colloque international sur les Usages et représentations de l’Internet au Maroc (Mohammedia, 26-27 octobre 2017) de créer un espace interdisciplinaire de communication et de structuration de la recherche sur le web marocain.
MISSION DU RESEAU
– Regrouper les chercheurs de divers horizons et diverses disciplines, dont les travaux portent sur le web marocain.
– Favoriser l’échange et le partage d’informations entre chercheurs isolés et groupes déjà constitués autour de thématiques et problématiques relevant des études de l’Internet.
– Contribuer à la création d’un espace de veille et de diffusion de la connaissance scientifique.
OBJECTIFS COMMUNICATIONNELS
Offrir aux observateurs de l’Internet marocain :
– Un espace de regroupement, d’interconnaissance et d’échange ;
– Une plateforme de publication d’informations sur leurs activités de recherche individuelles et collectives ;
– Un espace de partage de leurs publications et documents de travail ;
– Des moyens d’information et d’échange sur l’état de la recherche sur l’Internet au Maroc et dans le monde.
OBJECTIFS SCIENTIFIQUES
– Favoriser le regroupement des membres autour de thèmes fédérateurs et de problématiques communes.
– Contribuer à l’organisation régulière de manifestations scientifiques (séminaire, journées d’étude, colloque, etc.).

Souad Azizi

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